Le Tour de France à la Voile 1978
Par Bernard Décré :
Tout d'abord les raisons de mon choix:
Je voulais une course strictement à armes égales, avec un bateau
solide, apréciable et marin, avec de la place pour au moins un équipage
de quatre personnes.
L'écume avait été élu "bateau de l'année
en 1977, c'est pourquoi mon choix s'est porté sur ce très apréciable
bateau.
J'ai donc pris la commande (sans un sous) de 20 écumes de mer.
Mallard m'a fait 5% de remise et m'a demandé de lui régler les
3 communications téléphoniques de son stand !
Vive la France! ...Vive l'écume.
Bernard Décré
Paris le 25 Mars 2007
Classement Général | Position | Classement Temps Réel Cumulé |
MARSEILLE | 1 | MARSEILLE |
BREST (VILLEJUIF) | 2 | BREST (VILLEJUIF) |
DEAUVILLE | 3 | DEAUVILLE |
MEDOC | 4 | MEDOC |
RENNES | 5 | RENNES |
BREIZ-PESKED | 6 | DUNKERQUE |
MONTE-CARLO | 7 | MENTON |
MENTON | 8 | BORDS DE MARNE |
BORDS DE MARNE | 9 | MONTE-CARLO |
DUNKERQUE | 10 | MARCQ-en-BAROEUL |
MARCQ-en-BAROEUL | 11 | BREIZ-PESKED |
NANTES | 12 | NANTES |
MARTINIQUE | 13 | LE HAVRE |
PAYS de la LOIRE | 14 | PAYS de la LOIRE |
LA ROCHELLE | 15 | LA ROCHELLE |
LE HAVRE | 16 | LOT-ET-GARONNE |
LOT-ET-GARONNE | 17 | MARTINIQUE |
BAIE des ANGES | 18 | AUTRANS-en-VERCORS |
VANNES | 19 | VANNES |
AUTRANS-en-VERCORS | 20 | BAIE des ANGES |
Longueur HT | 8.00m | VOILES |
Largeur | 2.70m | 1 Grand-Voile |
Poids | 1.900t | 1 Génois Lourd |
Tirant d'eau | 1.50m | 1 Génois Léger |
Armé en | 3e catégorie | 1 Foc 1 |
1 Tourmentin | ||
Consructeur: | 2 Spis | |
Chantier MALLARD | ||
Z.I. de Périgny | ||
17000 - La Rochelle |
Par Didier Ravon (Extrait Voiles et Voiliers-Juin 2002)
:
1978/1988 La magie du Tour de France à la Voile opère depuis sa création en
1978 par Bernard DECRE et a grimpé en notoriété au fil des ans.
Plus qu’une course de référence, le Tour de France à la Voile est devenu une
institution où la monotypie a toujours été un gage de référence. Disputé sur
des Ecumes de mer, la première année, puis sur des First 30, le Tour de France
à la Voile a vu naître une pépinière de talents maison : Jimmy Pahun, Stéphane
Sevaux, Hervé Kergariou, Alain Fédensieu, Jean-Yves Le Hir… auxquels n’ont
pas manqué de venir se joindre des régatiers d’autres spécialités de la voile,
du dériveur notamment.
-----------------------------------------------------------Historique du Tour
de France à la Voile--------------------------------------------------------------------
La magie du Tour de France à la Voile opère depuis sa création en 1978 par
Bernard Decré et a grimpé en notoriété au fil des ans. Plus qu’une course
de référence, le Tour de France à la Voile est devenu une institution où la
monotypie a toujours été un gage de référence. Le Tour de France à la Voile
a vu naître une pépinière de talents maison : Jimmy Pahun, Stéphane Sevaux,
Hervé Kergariou, Alain Fédensieu, Jean-Yves Le Hir… auxquels n’ont pas manqué
de venir se joindre les plus grands noms de la voile française et autres grands
noms internationaux, des médaillés olympiques aux meilleurs de… la Coupe de
l’America.
------------------------------------------------- 25 TOUR DE FRANCE À LA VOILE
DE MAGIE ! -------------------------------------------------------------
En vingt-cinq ans, des milliers de régatiers ont découvert les côtes françaises,
ont été refoulés par les courants de la Manche, ont demandé leur position
aux pêcheurs bretons ou se sont fait coucher par du Mistral.
D’une joyeuse course-croisière, le Tour de France à la Voile est devenu une
belle école de course au large – et une compétition de haut niveau. Moments
choisis par un de ses anciens participants.
"Dieu, je lui rends grâce tous les jours. Il a créé le monde, mais il m'a
laissé créer le Tour de France à la Voile".
L'homme qui lance cette affirmation ne manque pas de culot ! Il se nomme Bernard
Decré. Ce Nantais, issu d'une famille de commerçants aisés, foisonne d’idées.
En 1977, il lui vient celle de construire vingt goélettes de 30 mètres qui
seront financées par les plus grandes villes maritimes, pour les faire s'affronter
le long des côtes françaises, du Nord au Sud. Decré n'a pas quarante ans,
mais de l'ambition. Il justifie son côté un rien mégalo par le fait que son
grand-père, déjà, armait des trois-mâts.
Son projet démesuré n'accroche guère les municipalités. Il revoit donc sa
copie à la baisse. Et écrit aux plus grands chantiers pour leur commander
vingt bateaux de série de 8 mètres. Il n'obtient pas de réponse.
Alors, il arpente les allées du CNIT lors du Salon nautique, et finit par
convaincre Mallard, seul constructeur à accepter sa requête - vingt Écume
de Mer ! -, qui lui consent une réduction royale de 5 %, avec l'appui de l'architecte
Jean-Marie Finot.
Obstiné, Decré lance une société, s'associe avec Cégemer, un organisme de
crédit, et acquiert sa flotte de bateaux, qu'il entend proposer à des villes,
associations ou départements.
Tellement sûr de lui et de son projet, il agace les médias qui, au début,
le boudent. Sauf Radio Monte-Carlo, qui voit dans ce tour de France des plages
une belle opportunité populaire, avec le tour de chant de Charlotte Jullian
et l'animateur Jean-Pierre Foucaud.
Les maires et autres élus se méfient de cet hurluberlu qui achète vingt bateaux
sans savoir à qui les louer.
Olivier de Kersauson enfonce le clou : "Bernard, avec ta course de merde pour
marins du dimanche, je te souhaite mort d'hommes. Tu vas attirer les sponsors
et les médias".
Il lui en faut plus pour le déstabiliser. Optimiste de nature, éminemment
sympathique, Bernard Decré sait séduire et convaincre. Il bat la campagne,
loue ses Écume un à un, consent des retards dans les traites, fait des ristournes.
Le 1er juillet 1978, à cinq jours du départ à Dunkerque, les 200 voiles qu'il
a commandées ne sont toujours pas livrées.
Contre vents et marées, le premier Tour de France à la Voile quitte Dunkerque
pour Menton. Avec, en prime, la folklorique traversée du canal du Midi - 110
écluses et 11 jours de Bordeaux au Cap d'Agde -, où l'ambiance kermesse, majorettes,
fanfares, manifestations d'agriculteurs et gastronomie ne manquent pas de
sel.
Les Écume, qui calent 1,30 mètre de tirant d'eau, ont été démâtés et offrent
aux familles des concurrents une tranche de vacances côté jardin. C'est la
seule fois où le Tour de France à la Voile se paye une incursion à la campagne.
Mais le pari est en passe d'être gagné. Et des centaines de jeunes découvrent
la course au large.
1978 François Pailloux et Jean-Yves Le Hir en sont. Le premier, Marseillais
pur jus, et promu, à tout juste 18 ans, skipper du bateau phocéen.
Il navigue déjà depuis plus de quatre ans en habitable avec ses copains sur
un Challenger Scout, un Farr 727 et – ce n’est pas un détail – à bord de l'Écume
de Mer familial.
En revanche, il n’a jamais mis les pieds en Manche et en Atlantique. "Nous
étions tout juste majeurs et n’avions pas la moindre connaissance des courants
et de la navigation. Pour nous, c’était l’aventure, et la ville de Marseille
comptait beaucoup sur nous pour faire oublier la désillusion de l’OM, descendu
en deuxième division de foot. Sympa, Christian Vergnot – l’ange gardien sur
l’eau - nous a fait un cours de nav accéléré à Dunkerque avant le départ.
De fait, nous avons gagné très peu d’étapes, car on ne savait souvent pas
où se situait l’arrivée, et il fallait attendre qu’un bateau nous montre le
cap à suivre", se rappelle François.
Le second est brestois pure souche. Jean-Yves Le Hir, 27 ans, l’œil vif, la
barbe et le cheveu hirsute, marque de son empreinte le Tour de France à la
Voile. Non seulement, il dispute 14 éditions comme skipper - terminant dix
fois dans les dix premiers et remportant plusieurs fois le classement aux
points les premières années alors que le Tour de France à la Voile se joue
au temps -, mais forme plusieurs dizaines d'équipiers… sans oublier de leur
inculquer le sens de la fête. Car "Bléo" ne se fait pas remarquer uniquement
par ses qualités de marin et ses résultats en course. Redoutable et redouté
à terre, il est de (presque) tous les coups. Comme ce soir où, avec son ami
Carlos - aujourd'hui commandant du remorqueur de haute mer Abeille Flandres
à Brest -, les deux compères, déchaînés dans le bar La Pilotine, se suspendent
au plafond avant que ce dernier ne s’écroule sur les clients.
Ses virées nocturnes sont légendaires, chaque victoire est copieusement arrosée,
et avec les Dunkerquois, qui eux aussi ont un sacré sens de la fête, la complicité
est totale. "Ce sont les lendemains de fête où nous marchions le mieux",
se justifie Jean-Yves, aujourd’hui directeur adjoint du département nautique
de Brest, qui regrette cette époque où il n'y avait pas d'assistance à terre,
et où l'on naviguait sur de vrais bateaux de course-croisière avec des débutants.
Dès le départ, le bateau phocéen est chahuté par les équipages. "Entre
les Brestois très baba-cool de Bléo et nous, petits bourges marseillais, il
y avait des différences culturelles évidentes et une rivalité sportive qui
a été attisée par la presse", se souvient François Pailloux. Quelques
explications franches et saignantes entre les protagonistes pimentent d'ailleurs
ce premier Tour de France à la Voile.
N’hésitant pas à aller sur le terrain "encadrer" les Brestois aux escales,
Bernard Decré – qui avoue une très bonne connaissance des commissariats de
police et des urgences des hôpitaux du littoral – a parfois des nuits agitées,
comme celle où après "une rue de la soif", il égare successivement chaussures,
blazer, et lunettes… avant de retrouver péniblement son hôtel !
Il reconnaît aussi s'être fait des cheveux blancs à Bormes-Les-Mimosas, le
buffet minable offert par la municipalité aux équipages tournant à l'émeute.
Car, à quelques dizaines mètres de là, un émir en escale sur son super-yacht
donne une réception grandiose. Foie gras, langoustes, champagne, filles superbes
au bord de la piscine – mais gardes du corps armés jusqu'aux dents.
Il faudra toute la diplomatie de Bernard Decré pour éviter une invasion sauvage
qui aurait pu mal tourner !
Sur l’eau, Brest et Marseille dominent les débats, et les Marseillais sans
assistance, qui dorment à bord et entassent les coupes gagnées sous les couchettes,
l’emportent brillamment au final à Menton.
Le Tour de France à la Voile est lancé. Bernard Decré commande illico vingt-cinq
First 30 au chantier Bénéteau, et suspend la traversée du canal du Midi. Le
trop grand tirant d'eau des First constitue une bonne raison, et la crédibilité
sportive de la course n'est pas compatible avec cette croisière fluviale.
Les bateaux voyageront donc en camion. Le père Jaouen est là, qui déclare
que c'est la plus belle école de course au large jamais mise en place. Eugène
Riguidel, Florence Arthaud, André Viant ou Marc Pajot embarquent tour à tour,
apportant du crédit à l'épreuve. Eric Tabarly aime venir en voisin quand le
Tour de France à la Voile passe à proximité de chez lui à Bénodet.
Le départ de Dunkerque est tragi-comique. Lors de la première étape, au coup
de fusil du départ, une flammèche va se nicher dans la boîte à fusées du bateau-comité.
S'en suit une forte explosion, puis un incendie. Le Comité de course saute
à l'eau. "Autant dire qu'il n'y a jamais eu de rappel", raconte Damien Savatier
à bord du bateau dunkerquois. Justement, Dunkerque, mené autour de Joé Seeten
puis Damien Savatier, par une bande de gamins bourrés de talent - Bertrand
Pacé, Pascal Leys, Gilles Le Coz, François Lamiot – triomphe trois années
de suite.
A terre, France Inter profite du TFV pour promouvoir Bernard Lenoir et Patrice
Blanc-Francard, et leurs émissions "Feed Back" ou "Loup Garou" . Quant à Lucien
Jeunesse, son "Jeu des mille francs" fait un tabac auprès des vacanciers.
A l'image de sa course, Bernard Decré est devenu incontournable. Quelle que
soit la météo, impeccable en yachtman - blazer, pantalon clair et cravate
club -, il est partout, donnant les départs, roulant au-delà du raisonnable
entre deux villes étapes et cumulant les nuits blanches pour accueillir les
vainqueurs d'étape magnum de champagne en main.
Paternaliste, il surveille ses ouailles, fait de la prévention, calme le jeu
lors des soirées trop arrosées, arrondit les angles avec les municipalités
suite aux débordements.
Le Tour de France à la Voile n'est pas encore qu'une compétition sportive,
mais aussi une colonie de vacances parfois débridée. La vie est belle. Les
couples se forment. "J’ai été un peu la madame Desachy du Tour de France à
la Voile", aime rappeler Bernard Decré, ravi et fier d'avoir été à l'origine
de nombreux mariages.
De jeunes coureurs débarquent à leur tour. Ils sont la génération Tour de
France à la Voile et ont pour nom Stéphane Sevaux, Dominique Wavre, Hervé
de Kergariou, Benoît Caignaert, Michel Desjoyeaux, Guillaume Cousin, Jean-Paul
Mouren, Alain Fédensieu, Vincent Fertin ou Bernard Mallaret – rejoints par
des centaines d’étudiants de grande écoles et des champions de dériveur, tels
que Thierry Péponnet, Marc Bouët, Laurent Delage ou Luc Pillot.
Jimmy Pahun, numéro un sur l'admiraler Diva, marque lui aussi le TFV, par
ses brillants résultats et vingt participations, mais aussi par son sens de
l’animation, et ses récitals de jeune crooner où il aime à chanter "Les yeux
menthe à l'eau", d'Eddy Mitchell.
Les équipages apprécient Bernard qui le leur rend bien. Les sponsors accrochent
enfin. Gonflé, le créateur du Tour de France à la Voile écrit à plusieurs
grandes entreprises pour leur vendre en exclusivité le spi de leader. Le Point
et Kodak acceptent tout de go, et le patron du Tour de France à la Voile,
bien embarrassé, s’en tire par une pirouette : il propose le spi du leader
au temps à l'un et celui du leader aux points à l'autre !
Le Rush Royale Royale, qui plonge dans l’aventure, permet d’acquérir une flotte
de 29 Rush Jeanneau, avec gréement fractionné et bastaques. Le Tour de France
à la Voile passe à la vitesse supérieure, et nombre de skippers et équipiers,
désormais rémunérés par des municipalités, font de la course leur métier.
Bernard Decré pavoise et ne laisse le soin à personne d’autre de jouer les
"monsieur Loyal" lors des remises de coupes quotidiennes. Mieux, il s'en délecte.
Celles-ci n'en finissent plus, mais attirent les foules et sont immuables.
Car les premiers comme les derniers sont systématiquement fêtés et choyés.
Battu de justesse par son copain Damien Savatier dans le dernier bord à Menton
en 1980, Benoît Caignaert prend une superbe revanche trois ans plus tard,
et mène avec brio l’équipage de l'École Navale à la victoire. Le matelot,
appelé du contingent à la tête de futurs officiers, donne un coup de jeune
à l’image de la Royale, et gagne un half tonner sponsorisé par Elf Aquitaine
pour une saison de Figaro.
Bernard Decré est increvable. Chaque été, il use 25 chemises blanches - soit
une par étape -, cinq blazers et deux paires de mocassins, ne lésine sur rien,
ne regarde pas à la dépense et sait recevoir.
Mais il aime plus que tout les bateaux et la compétition, survole sa course
en hydravion, et répète que le Tour de France à la Voile est la plus belle
école de course au large.
Visionnaire, dès le début des années 80, il clame à tout va que l'équipe de
France gagnera un jour l'Admiral's Cup. Et s'en donne les moyens, offrant
au skipper vainqueur du Tour de France à la Voile un one-tonner Andrieu financé
par CGI pour la saison du RORC.
Dix ans, plus tard, les Français remportent l'Admiral's Cup, avec une grande
majorité d'équipiers formés sur le Tour de France à la Voile.
Après le First 30 et le Rush, le Sélection - dont il est l'un des inspirateurs
– marque l'apogée du TFV dès le milieu des années 80.
Hommes politiques attachés à la mer - Rocard, Glavany, Deniau, Fabius, Bambuck
- et stars du show-biz se pressent sur l'événement comme sur un plateau de
télé.
Chantal Goya, poursuivie par des dizaines de jeunes fans et leurs parents,
se souviendra de son passage. En montant à bord d’un Sélection, elle trébuche
et déchire sa jupe longue sur les chandeliers, avant de s’écrouler dans le
cockpit les quatre fers en l’air, devant des équipages hilares.
Parfois, Bernard Decré en fait trop. Il veut créer un TFV à deux divisions
- comme en foot - et annonce qu'il va organiser le Tour de France à la Voile
des îles britanniques, celui d'Italie, du Japon et même des Etats-Unis ! Tout
restera dans les cartons, sauf les Italiens qui lui piquent l'idée et lancent
leur "Giro"....
Le Canal du Midi
"Marseille" le spi jaune